Comme je m'ennuyais un peu et que l'exercice me tentait, j'ai fait une composition sur ce thème.
Voici le texte:
Il était minuit passé dans le petit village endormi. Pour seul promeneur sur ses allées rurales, une brise venue du nord en charriant les feuilles roussies de l’automne. Aux alentours, il n’y avait pas âme qui vive, il n’y eut le regard vert étincelant d’un chat tapis à l’ombre pour remarquer les deux silhouettes qui se découpaient au-dessus des toits en faisant écran à la Voie Lactée.
« Contemple ce panorama, Tzimara. Ne trouves-tu pas que la nuit a un aspect magique ? »
Au loin, très loin par-delà les collines recouvertes de toundra, un chien aboyait, et l’écho assourdi de son cri se mêlait à la mélopée sifflante du vent. Elles étaient debout, l’une à côté de l’autre, à contempler la voie par laquelle elles allaient repartir cette nuit-même, ce chemin d’argile blanche qui serpentait à travers les champs agricoles jusqu’à la forêt. Suspendue dans la voûte céleste, une lune gibbeuse d’un bleu mystique nimbait le paysage d’un voile d’argent, et les épis s’agitaient dans des ténèbres mouvantes, chantant et pliant tels des pèlerins en prière. Tsuya leva les yeux vers le ciel piqueté d’étoiles, rit, puis ouvrit largement les bras en un geste de joie véritable. Son propre visage était transformé par le clair-obscur de la lumière nocturne, masque de métal précieux luisant dont se détachaient les zones charbonneuses de ses tempes, de son sourire et de ses orbites.
De la forêt lointaine leur parvenait l’odeur riche et humide de l’humus, de la mousse verte scintillante de rosée, de l’écorce vivante gorgée d’eau. Il avait plu la veille. Le temps était propice à la cueillette des plantes et champignons dont elles se serviraient pour composer teintures et décoctions.
Tzimara, bien que trouvant la nuit agréable, n’arrivait pas à ressentir en quoi elle pouvait apporter de la joie. Que la lune soit, comme le prétendait Tsuya, le visage radieux d’une femme qui contemplerait la scène terrestre, ou bien qu’elle soit l’œil mort d’un poisson échoué engluant la terre de ses larmes visqueuses, son cœur restait de marbre.
« Je ne saurai dire.. » se contenta-t-elle de murmurer. De la vapeur s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle parlait. Il faisait froid, un froid assez vif pour frémir, et la température allait en baissant de minute en minute.
« Regarde, regarde encore ! » rigolait Tsuya, dont la bonne humeur était à toute épreuve. « Le plus beau est à venir ! »
Elle gardait les bras écartés, comme enjoignant de ses vœux la nature à se hâter vers ce spectacle dont elle se languissait tant. Cela vint, doucement, doucement, au fil de minutes qui semblaient durer des heures à Tzimara. La température ne cessait de descendre. Ce furent d’abord de petits éclats lumineux, un subtil vernis pailleté qui gagnait progressivement l’herbe humide, puis qui escalada les murs du village, fit luire le toit où elles se tenaient, et tous ceux qui les entouraient. Le givre, qui fit même briller les arbres lointains.
« Je ne vois pas ce qu’il y a de merveilleux à regarder geler sur pied la subsistance des paysans » fut la seule réponse de Tzimara. Abasourdie, Tsuya tourna la tête vers son élève. Puis elle soupira, et l’air pensif, se remit à contempler le paysage, qui était à présent paré d’un habit festif semblable à des coulées de mercure. Elle ne comprenait pas qu’on puisse être à ce point insensible aux multiples visages de la beauté. Cela dit, elle savait à quoi cela était dû.
Un jour, se promit-elle, un jour, je lui dirais que ce qu’elle vit n’est pas la norme.
Un sourire malicieux releva les coins de ses lèvres.
« Allons, tu sais bien que ces variétés de céréales sont adaptées à des climats rigoureux. »