Après un premier repas et une première nuit au sein de ma nouvelle école, j’avais rendez-vous avec une vieille connaissance pour un entrainement plutôt rude et acharné. En arrivant à l’accueil de la résidence étudiante de Kiri, je le vis qui m’attendait. Il me fit signe de le suivre et se mit en route vers le lieu dit, moi le suivant. Nous nous dirigions directement vers le centre d’entraînement sans un mot. Jinnai fredonnait un air qui m’était familier, il me semble que c’était la douce mélodie chantée par la mère de ce dernier afin de me bercer lorsque j’hurlais à la mort dans la demeure du vieil homme qui m’avait recueilli. Je repartais alors en flash back total, entre souvenirs et imagination. Je voyais tous ces agréables moments qui étaient gravés au fin fond de ma mémoire. Il y avait la mer, le sable, le vieil homme à la pêche, le lait froid et les poissons fumés au barbecue du dimanche midi. Puis il y avait le gout des lances, de la souffrance, des coups et du sang. Puis il y avait Jinnai et sa mère et tous ces week-ends passés à s’entrainer, à devenir forte. Et enfin il y avait cet orphelinat, tous ces enfants que j’ai abandonnés à leur sinistre sort dont le visage hante mes pensées. Je n’ai aucun remord mais je ne peux m’empêcher de penser à eux, leur souvenir coule en moi, leurs voix sont ancrées au plus profond de mon être.
Jinnai : - « Hey ça va ? Tu as l’air dans le vague ! Réveille toi nous sommes arrivés au terrain d’entrainement. Je ne sais pas ce qui nous attend mais tient toi prête, car si l’examen n’est qu’un prélude, la suite risque d’être explosive. »
Sur ces bonnes paroles, loin d’être dénuées de sens, maître Jinnai se lança dans un long discours sur les rudiments du combat et sur nos rôles respectifs au sein d’un groupe. Notre rôle premier était de devenir les meilleurs ninjas que l’histoire du monde shinobi n’ait jamais connus. Nous devions nous entrainer à manier nos ninjutsu et taïjutsu à la perfection mais aussi toutes les armes blanches et objets comme les kunaïs, shurikens ou autres parchemins explosifs. Pendant des heures et des heures nous ne faisions que ça, allant du lancer de shuriken ou de kunai à la pose minutieuse d’explosifs. Une fois le soir venu, nous nous arrêtions et reprenions le lendemain à l’aube. Un rythme acharné mais une efficacité telle que nous ne commettions plus d’erreur dès le sixième jour.
Nous avions désormais un nouveau type d’entrainement à élaborer, la base de tout shinobi, le ninjutsu. Il n’y avait qu’un seul style de combat connu par Jinnai, le suiton, et c’est à cela que j’allais être formée. Les leçons s’enchainaient à vitesse grand V et plus ça allait, plus j’engrangeais de techniques. Ma formation aurait bien pu durer un an à tout maîtriser mais le plus important n’était pas fait. Il me fallait dorénavant apprendre à me battre, à dominer l’autre par son unique force. Le combat entre Jinnai et moi allait enfin pouvoir commencer. Tous les coups étaient permis pour défaire son adversaire, au péril de sa vie, transgresser l’état d’homme pour devenir autre chose, un être mystique, un dieu parmi les hommes ou le diable en personne.
Je ne comprenais pas ses mouvements, il était à la fois vif et fort, ce Jinnai était un vil démon, habité par le malin. Son visage respirait la mort et son comportement restait le même, impassible et figé, ne ressentant même pas la nature qui l’entourait. Je me mis à mon tour à tourner autour de lui, immergeant dans ma bulle et ne laissant paraitre aucune émotion sur mon fasciés. Le premier coup partit, il était bruyant et furtif à la fois, nos deux kunaïs avaient beau être fins et aiguisés, aucun indice, ni sur nos visages, ni par nos mouvements ne montrait une quelconque difficulté à manier nos armes. Nous étions devenus des bourreaux, faisant s’entremêler nos lames et laissant rugir notre haine. Bien qu’impassibles, nous mettions tous deux nos cœurs dans la bataille et seul le glas des deux kunais qui s’entrechoquent s’entendait à des kilomètres à la ronde. Le sol tremblait, les pilonnes et autres piliers s’effritaient sous la puissance du combat qui faisait rage. Un Juunin qui était là pour nous surveiller, lui, n’avait pas bougé, juste ses yeux tournaient pour nous suivre du regard mais malgré le sol tremblant et un son fracassant et strident, il n’avait pas été décalé ni n’avait grimacé ou sourit devant le spectacle que nous lui offrions en direct. Mon regard croisa celui du shinobi face à moi et c’est alors que j’aperçus qu’une goutte de sueur coulait du haut de son front jusqu’au bas de son visage. Je me mis alors à tout percevoir, mes sens s’affolaient. J’entendais la goutte d’eau toucher le sol, l’oiseau battre des ailes et même, le cœur du Juunin battre à l’autre bout de la pièce. Une chose attira mon attention, il avait beau transpirer, respirer à pleins poumons, le rythme binaire du cœur de Jinnai restait calme, comme s’il était au repos, ne ressentait-il même pas la fatigue ?
Je compris un peu plus tard qu’en fait, il endurait cela pour lui permettre d’augmenter ses réflexes et de rentrer en état de transe au moment voulu. Tout cela signifiait que je n’étais pas en position de force et que mon adversaire pouvait prendre le dessus et c’est ce qu’il fit, voyant que je reprenais à peine mes esprits, il me fondit dessus tel un raz-de-marée qui s’attaque à un village. Il me mit un coup d’épaule et je touchais le sol, il arriva pour m’achever avec son arme à la main mais j’eus tout juste le temps de me rouler sur le côté. Je sautais pour me relever et plaçais mon kunaï afin de contrer sa frappe à la taille. C’est un duel à l’arme blanche qui commença. Nous croisions le fer, yeux dans les yeux, avant de nous repousser froidement et de nous battre, un coup haut, que je contrais aisément avant de contre-attaquer avec un tranche-taille efficace mais en vain car il l’esquiva en reculant. Il enchaina avec une salve de frappes entre coups de poings, de pieds et de couteau. Je me mis alors à niveau, combattant avec frénésie et panache, échangeant avec lui une série de coups et de regards. Nous n’avions tous deux qu’un but, surpasser l’autre. Mais hélas, il me toucha le premier, perçant ma défense de plein fouet, il passa d’abord un uppercut qui me fit voler en arrière et avant même que je touche le sol, il me renvoya en l’air avec un coup de genoux qui me fit traverser la salle et me fit cracher un mollard de sang. Ce fut un Knock Out direct et avant même que je puisse lever la tête, il était sur moi, m’assénant de ses poings jusqu’à épuisement. Je ne voyais plus rien, je ne sentais même plus le sang qui coulait dans ma bouche.
Juunin : - « Ça suffit, j’en ai assez vu pour aujourd’hui ! Tu la lâches maintenant, tu as montré que tu étais plus fort, le combat est terminé. »
J’avais perdu, je n’étais pas assez forte, pas encore. |